Marque et contrat de franchise

Par Laura Godfrin, avocate au Barreau de Paris, Momentum Avocats

Dans un contrat de franchise, une personne (le franchiseur) met à la disposition de l’autre (le franchisé) ses signes distinctifs et un savoir-faire technique ou commercial. En contrepartie, il perçoit une rémunération versée sous forme de redevance. Dans le même temps, le franchisé s’engage à utiliser le savoir-faire transmis sous le contrôle et avec l’assistance du franchiseur, aussi appelé « tête de réseau ».

Le concept franchisé doit être nettement identifié par des signes de ralliement de la clientèle, notamment par la marque. La tête de réseau accorde à son franchisé une licence sur cette marque, souvent exclusive sur un territoire déterminé.

La mise à disposition par le franchiseur au franchisé de sa marque est donc obligation essentielle du contrat de franchise. La marque étant d’une importance cruciale, la tête de réseau doit veiller à sécuriser la marque exploitée dans le cadre d’un réseau de franchise. La sécurisation de la marque passe par un certain nombre de démarches tant en amont qu’en cours du contrat de franchise.

1. Les obligations du franchiseur en amont ou concomitamment à la signature du contrat de franchise : sécurisation des droits sur la marque et assurance de sa validité.

Le franchiseur qui met à disposition du franchisé une marque doit avant tout justifier de droits sur cette marque. Avant de devenir franchiseur, la tête de réseau doit s’assurer qu’elle est bien titulaire de droits sur la marque qu’elle entend franchiser. À défaut, le contrat de franchise est nul, faute pour les obligations du franchisé de trouver leur contrepartie (CA Paris, 12 septembre 2018, n° 15/15102 ; CA Paris, 9 janv. 2019, n° 16/21425).

Cela suppose en premier lieu que la marque soit régulièrement déposée, mais également que la marque soit bien déposée sur le territoire sur lequel les franchisés exerceront leur activité. Le franchiseur doit également soigner le libellé afin de prendre soin de couvrir l’ensemble des produits et services concernés par la relation de franchisage.

En second lieu, cela nécessite que le franchiseur s’assure qu’il est bien en mesure de concéder aux franchisés l’utilisation de la marque. En effet, deux modalités peuvent se présenter : soit le franchiseur est titulaire à titre personnel de la marque, et il est alors libre de concéder aux franchisés l’utilisation de la marque, soit la marque a été déposée par un tiers (par exemple, le dirigeant personne physique ou bien une autre société du groupe). Dans ce second cas, il est primordial que le franchiseur s’assure de bénéficier d’une licence sur la marque qui l’autorise à accorder, à son tour, des licences à ses franchisés.

Le franchiseur qui met à disposition du franchisé une marque doit en garantir la pérennité, ce qui nécessite de s’assurer de la validité de la marque. La marque peut prendre des formes variées telles qu’un mot, un nom, un slogan, un logo, ou encore par exemple un jingle (pour en savoir plus, voir sur le site de l’INPI la page dédiée aux différents types de marque). Mais dans tous les cas, afin de se prémunir contre la nullité de la marque, le franchiseur doit s’assurer que la marque est valable. En effet, bien que les offices de marques français et européens – INPI et EUIPO – opèrent un premier contrôle de validité, ce n’est pas parce qu’une marque a été enregistrée qu’elle ne peut pas être postérieurement annulée, par exemple dans le cadre d’un contentieux. La prudence est donc de mise !

Pour être valable, la marque doit répondre à plusieurs conditions :

  • La marque doit avant tout être distinctive ce qui signifie que la marque choisie doit être de nature à identifier une origine commerciale et donc présenter un certain caractère arbitraire par rapport aux produits et services désignés. Au contraire, un signe descriptif ne sera pas à même de jouer le rôle de «marque ».

À titre d’exemple :

  • Le signe «SIMPLISSIME » a été considéré comme dépourvu de caractère distinctif en ce qu’il sera perçu par le public pertinent comme un argument de vente plutôt que comme une indication de l’origine commerciale des produits (CA Versailles, 9 octobre 2018, n° 18/03761) ;
  • Le signe « MINI-MOELLEUX » a été considéré comme descriptif pour des produits alimentaires (CA Paris, 20 janvier 2012 n° 11/16070).
  • La marque doit également être disponible cela signifie que la marque choisie ne doit pas porter atteinte à des droits antérieurs. La recherche d’antériorités doit être effectuée parmi les signes antérieurs identiques mais également similaires, qui seraient susceptibles de créer une confusion dans l’esprit du consommateur.

À titre d’exemple :

  • Le signe «ABSOLUSKIN » ne peut être adopté comme marque pour désigner des services identiques et similaires, sans porter atteinte aux droits du titulaire de la marque antérieure « APOLLUSKIN » (INPI, 10 mars 2023, OP22-1 318) ;
  • Le signe TAKTAK ne peut pas être adopté comme marque pour désigner des services identiques, sans porter atteinte aux droits du titulaire de la marque antérieure TIKTOK (INPI, 7 février 2023, OP22-3418).
  • La marque doit enfin être licite – et, notamment, ne pas porter atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs – et ne doit pas conduire le public à se tromper sur la nature du produit ou service, sa qualité ou sa provenance géographique.

À titre d’exemple :

  • L’INPI a précisé dans ses lignes directrices que les signes « JE SUIS CHARLIE » ou encore « COVID » ne peuvent être enregistrés sur le fondement de l’atteinte à l’ordre public en ce qu’elles auraient été susceptibles de choquer le public sur l’utilisation commerciale qui en aurait été faite.
  • Le signe «PHYTOJELLY » a été considéré comme trompeur dès lors que les produits cosmétiques visés n’étaient pas composés de plantes (INPI, 29 septembre 2022, NL 21-0235).

2. Obligation du franchiseur pendant la durée du contrat : la défense de la marque et le maintien de sa notoriété

Le franchiseur doit renouveler la marque en temps voulu, et la défendre contre toute atteinte qui lui serait portée. Bien qu’une marque puisse être protégée indéfiniment, elle doit être renouvelée tous les 10 ans. Il appartient donc au franchiseur de procéder le moment venu aux formalités de renouvellement.

En plus de cette obligation de renouvellement, le franchiseur est également tenu à l’obligation d’agir contre les tiers en contrefaçon (CA Paris, 19 nov. 2008, n° 07/08568). Afin de permettre au franchiseur de défendre sa marque, le franchisé doit pour sa part informer le franchiseur de toute contestation relative aux droits de marque du franchiseur et de toute violation de ces droits par des tiers ou par un autre membre du réseau.

Dans le cas d’actes de contrefaçon commis par des tiers, il est fréquent qu’un préjudice soit causé directement au franchisé, qui peut souhaiter agir en contrefaçon. La question qui se pose est donc celle de savoir si le franchisé peut intenter une action en contrefaçon à la place ou aux côtés du franchiseur. La question est tranchée par l’article L. 716-4-2 du Code de la propriété intellectuelle : « L’action civile en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque ou par le licencié avec le consentement du titulaire, sauf stipulation contraire du contrat. Toutefois, le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation peut agir en contrefaçon si, après mise en demeure, le titulaire n’exerce pas ce droit dans un délai raisonnable ».

En principe, l’action en contrefaçon appartient donc au seul franchiseur – à noter que le contrat de franchise peut néanmoins donner plus de pouvoir au franchisé. Toutefois, le franchisé licencié exclusif pourra se substituer à ce manquement dans le cas où le franchiseur n’agirait pas en contrefaçon après mise en demeure du franchisé. En tout état de cause, l’article précité du Code de la propriété intellectuelle autorise le franchisé à intervenir à l’instance en contrefaçon engagée par le franchiseur, afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre.

Le franchiseur est tenu de soutenir la notoriété de sa marque par des campagnes publicitaires et opérations de promotion, régulièrement renouvelées. À défaut, l’inertie du franchiseur pourra caractériser une faute susceptible d’engager sa responsabilité (Cour de Cassation, du 12 juillet 1993, pourvoi n° 91-20.540). Notons que, de son côté, le franchisé est obligé de faire usage de la marque du franchiseur – l’usage de la marque n’est donc pas seulement discrétionnaire –, une telle utilisation constituant d’ailleurs un élément déterminant du succès que constitue de la relation de franchisage.

Me Laura Godfrin Me Laura GODFRIN

Avocate au Barreau de Paris

Momentum Avocats

En tant que franchiseur, n’hésitez pas à vous faire accompagner dans la sécurisation de vos droits de marque en amont de la conclusion du contrat de franchise. En particulier, il est important de vous faire accompagner par un professionnel qui s’assurera de la disponibilité de la marque envisagée grâce à une recherche d’antériorités parmi l’ensemble des droits antérieurs susceptibles de constituer des antériorités opposables à une marque.

Nous vous conseillons de mener une veille active pour être alerté de toute atteinte qui serait portée à votre marque. Bon à savoir : l’INPI offre la possibilité de créer, gratuitement, des alertes pour suivre les nouvelles publications de marques contenant des mots-clés prédéterminés (pour en savoir plus, voir sur le site de l’INPI la page dédiée à ce système d’alertes).

Enfin, assurez-vous de faire vivre et rayonner votre marque grâce à des campagnes marketing régulières.

 

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